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Les travaux de l’équipe Mollicutes concernent des bactéries pathogènes de plantes (phytoplasmes, spiroplasmes), et des bactéries pathogènes d'animaux (mycoplasmes). Phytoplasmes, spiroplasmes et mycoplasmes appartiennent à la classe Mollicutes, un groupe de bactéries dites « minimales », dépourvues de paroi et possédant de très petits génomes.
L'objectif général de l'équipe est de produire des connaissances fondamentales sur la biologie et l'évolution de ces bactéries et plus particulièrement sur les mécanismes moléculaires qui gouvernent les interactions avec leurs hôtes eucaryotes. Ces connaissances sont la base de développements appliqués visant à contrôler les maladies provoquées par ces bactéries, notamment sur la vigne (phytoplasme de la Flavescence Dorée) et sur les ruminants (mycoplasmes du groupe mycoides).
Par des approches intégrées combinant épidémiologie, étiologie, biologie moléculaire, biochimie, biophysique et de nouvelles technologies de biologie de synthèse incluant de l’ingénierie génomique à grande échelle et la transplantation de génomes bactériens, l’équipe aborde des problématiques allant des plus fondamentales (concept de cellule minimale, production de châssis bactériens, construction de vésicules synthétiques mimant des cellules, structure des membranes bactériennes) aux plus appliquées (méthodes de diagnostic, épidémiologie et stratégies de contrôle des phytoplasmes et de leurs insectes vecteurs, construction de souches vaccinales).
Par l'intégration de ses travaux sur les divers mollicutes et ses nombreuses collaborations, l'équipe constitue un pôle expert sur ce groupe d’organismes, sur le plan national et international
Thèmes de recherches :
1 - Etiologie, diagnostic et épidémiologie des bactérioses phloémiennes
Les bactérioses phloémiennes sont des maladies incurables et leur contrôle repose sur la prévention. Nous développons des outils de diagnostic moléculaire ciblant l’ADN de ces bactéries qui permettent la détection de la bactérie puis l’élimination des plantes infectées. Le séquençage des génomes de ces bactéries a permis le développement d’outils de génotypage bactérien qui servent à retracer l’origine des contaminations et leurs voies de propagation. Nous décrivons les espèces bactériennes nouvelles, démontrons leur rôle étiologique et identifions leurs plantes réservoirs et leurs insectes vecteurs. Enfin, nous développons l’usage des marqueurs génétiques prédicteurs des propriétés épidémiques des phytoplasmes de façon à raisonner la lutte insecticide. Ces travaux qui portent sur la flavescence dorée et le bois noir de la vigne, mais aussi sur le dépérissement de la lavande, la chlorose marginale du fraisier et la prolifération de la carotte, sont conduits en collaboration avec des laboratoires internationaux, les services de protection des végétaux, les instituts techniques, les associations de producteurs et les chercheurs en sciences humaines et sociales spécialisés dans la gestion des épidémies en agriculture. Nous participons ensemble à la co-construction de projets pluridisciplinaires dédiés à l’optimisation de la gestion de ces maladies. L’équipe héberge une collection unique de phytoplasmes propagés sur pervenche de Madagascar en serre de confinement qui alimente les recherches internationales et approvisionne les laboratoires de diagnostic en ADNs contrôles.
2 - Interactions des mollicutes phytopathogènes avec leurs plantes hôtes et leurs insectes vecteurs
Dans le but de faire émerger des méthodes innovantes pour le contrôle des phytoplasmoses nous décryptons les interactions entre le phytoplasme de la flavescence dorée (FD) de la vigne avec sa plante hôte et sa cicadelle vectrice.
Nous caractérisons les différences de sensibilité à la flavescence dorée au sein du genre Vitis. Pour ceci, nous inoculons le phytoplasme FD à différents cépages et espèces de vigne par l’intermédiaire de son insecte vecteur naturel, la cicadelle Scaphoideus titanus. Les différences de sensibilité se traduisent par un contrôle de la multiplication des phytoplasmes et de leur diffusion dans la plante. Nous comparons les perturbations de l’expression des gènes, notamment ceux impliqués dans les défenses et le métabolisme de la vigne, chez les cépages Cabernet-Sauvignon et Merlot qui présentent une sensibilité contrastée.
En parallèle, nous nous intéressons aux protéines - désignées par le terme "effecteurs" - produites et excrétées par le phytoplasme de la flavescence dorée. L'importance de ces protéines dans l'interaction avec l'hôte a été largement démontrée chez de nombreux pathogènes, y compris des phytoplasmes. Sur la base de la séquence génomique du phytoplasme de la flavescence dorée, nous avons identifié des effecteurs candidats. Les travaux en cours visent maintenant à déterminer leur rôle et comprendre comment ils permettent au phytoplasme d'infecter et de coloniser ses hôtes.
La transmission du phytoplasme par l’insecte vecteur commence par la colonisation de l’intestin moyen lors de la phase d’acquisition et se termine par l’invasion des glandes salivaires qui rend alors l’insecte infectieux. Ces processus font intervenir des mécanismes d’adhésion cellulaire, d’internalisation et de multiplication intracellulaire. Aussi, nos recherches visent d’abord à identifier à la fois les adhésines de la bactérie et leurs récepteurs chez l’insecte, puis à déterminer comment cette reconnaissance adhésine-récepteur facilite l’invasion des cellules de la cicadelle. L’imagerie par microscopie électronique et confocale nous permet de visualiser et de quantifier l’efficacité des étapes d’adhésion et d’internalisation sur les organes des cicadelles ou sur leurs cellules en culture. L’inhibition de l’expression des gènes de cicadelle par RNAi nous permet de valider l’implication de protéines d’insecte et de tenter de bloquer la transmission du phytoplasme.
3 - Biologie de synthèse pour l’ingénierie des génomes de Mollicutes
Les mollicutes sont des objets biologiques complexes à étudier, notamment à cause du nombre limité d’outils génétiques disponibles chez ces bactéries.
Récemment, de nouvelles approches de biologie de synthèse ont permis de transférer ("Clonage") et de maintenir un chromosome de mycoplasme dans une levure. Une fois dans la levure, ce génome bactérien peut être modifié ("Edition") avec précision grâce à la large palette d’outils disponibles, notamment le système CRISPR/Cas9. Dans un troisième temps, le génome bactérien peut être re-transféré dans une bactérie ("Transplantation") pour donner vie à une nouvelle cellule génétiquement modifiée.
Ce cycle "Clonage-Edition-Transplantation" ("C-E-T") a pour l’instant été réalisé chez un petit nombre de mycoplasmes, et a permis de réaliser des progrès considérables dans notre compréhension de ces organismes. Cette capacité à générer des mutants nous permet de disséquer les différents mécanismes impliqués dans la virulence des mycoplasmes, et de produire des souches génétiquement atténuées qui serviront de base à des vaccins vétérinaires plus efficaces.
Parallèlement aux approches de Biologie de Synthèse, nous utilisons également des approches de génomique comparée qui nous permettent d’étudier l’évolution des mollicutes et de poser des hypothèses quant au métabolisme et à la pathogénicité de ces bactéries minimales. En collaboration avec le Centre de Bioinformatique de Bordeaux (CBiB), nous développons une base de données dédiée à la génomique comparée et à l’ingénierie des génomes des mollicutes, MolliGen (molligen.org).
Nous tentons réaliser le cycle "C-E-T" et d’autres approches d’ingénierie génomique pour plusieurs espèces de mycoplasmes, afin d’améliorer notre compréhension de ces pathogènes très diversifiés, et aux mécanismes de virulence souvent espèce-spécifique.
Nous souhaitons aussi adapter les outils de biologie de synthèse à l’étude de phytoplasmes. Ces bactéries phytopathogènes sont à l’heure actuelle non-cultivables, ce qui limite grandement notre capacité à les étudier. Le cycle "C-E-T" pourrait ouvrir la voie à la création de phytoplasmes génétiquement modifiés capables de croître en conditions de laboratoire.
Nous tentons également d’appliquer notre plateforme d’ingénierie des génomes en dehors de la classe Mollicutes, notamment chez la bactérie modèle Bacillus subtilis. Ces outils ouvriraient la voie à la production rapide de souches rationnelles destinées aux industries de la chimie verte et de la biosynthèse.
4 – Biochimie et biophysique des Mollicutes
Contacts : - Biochimie et biophysique des membranes biologiques : Laure Béven (laure.beven@inrae.fr) - Physico-chimie des cellules synthétiques : Jean-Paul Douliez (jean-paul.douliez@inrae.fr)
Les compartiments susceptibles d’encapsuler du matériel biologique (enzymes et autres protéines, ADN…) sont d’un grand intérêt pour le monde industriel mais également pour les recherches fondamentales nécessitant l’élaboration de cellules artificielles. Nous nous intéressons ici à la formulation de systèmes compartimentés artificiels mimant la cellule mycoplasmique. Ce choix de modèle repose essentiellement sur l’aspect « minimal » de ces bactéries, qui ont perdu de nombreuses voies métaboliques dont celle de la synthèse d’une paroi. La membrane plasmique de ces bactéries est donc au contact direct de leur environnement. Une fois ces compartiments formulés, nos études visent à leur caractérisation, à la compréhension des mécanismes d’encapsulation et de concentration des biomolécules, et à l’identification des moyens de contrôler les échanges au niveau de leur enveloppe. Nous sommes ainsi parvenus à l’élaboration de différents systèmes (colloïdosomes, capsules, coacervats d’acides gras pouvant transiter en vésicules) permettant l’encapsulation et la concentration de petites molécules, d’enzymes et d’ADN. Afin de les nourrir en molécules, nous espérons pouvoir maintenant contrôler finement leur perméabilité. Afin de relever ce défi, la connaissance de l’organisation des membranes biologiques et des processus biologiques responsables des échanges qui s’y déroulent est essentielle. Nous menons donc des études parallèles sur l’organisation membranaire des mycoplasmes et spiroplasmes en tant que modèles de cellules minimales dont la perméabilité membranaire est parfaitement contrôlée, et tentons d’appliquer les leçons de ces études pour l’élaboration de cellules minimales artificielles. Il s’agit ici d’une stratégie « bottom-up » de biologie de synthèse visant à reconstruire des compartiments cellulaires à partir de briques élémentaires d’origine biologique ou chimique.
Les données sur l’organisation et la composition membranaires des spiroplasmes et mycoplasmes que nous obtenons sont également très utiles pour mieux comprendre la physiologie, le maintien de la morphologie et le pouvoir pathogène des mollicutes. Elles nous permettent de mieux comprendre comment, malgré une simplicité structurale apparente et un génome de petite taille, ces bactéries ont su s’adapter à de nombreux hôtes. Notre bactérie modèle favorite est Spiroplasma citri, un mollicute phytopathogène, hélicoïdal et motile. Nous avons ainsi pu identifier et caractériser plusieurs facteurs moléculaires impliqués dans la transmission de ce spiroplasme aux plantes par son insecte vecteur, ou dans le maintien de la forme cellulaire. Au fur et à mesure qu’elles progressent, nos recherches dévoilent divers mécanismes moléculaires qui permettent à cette bactérie de tirer un profit maximal à partir d’un génome minimal, et indiquent que derrière cette simplicité structurale et métabolique se cachent de grandes capacités d’adaptation de ces bactéries.
Nous appliquons une approche pluridisciplinaire faisant appel à la biochimie des membranes biologiques, la physico-chimie des polymères, la microbiologie et utilisons diverses technologies résolutives de microscopie. Ces recherches s’inscrivent dans un axe transversal dans l’équipe et sont plus spécifiquement étroitement liées aux axes 2 et 3 décrits ci-dessus.